Renaissance de Lancia. C’était l’une des surprises lors de la création de Stellantis début 2021 : l’annonce du retour de Lancia. On pensait en effet que Carlos Tavares allait faire le ménage parmi les différentes marques possédées par les anciens groupes PSA et FCA. On ne donnait alors pas cher de la peau de Lancia, qui ne survit plus qu’avec la citadine Ypsilon vendue exclusivement en Italie. Mais Carlos Tavares a choisi de donner dix ans à chacune des marques du groupe pour trouver sa place au sein du nouvel ensemble. Début d’année, on apprenait alors la naissance de 3 nouvelles Lancia d’ici à 2028, sous la houlette du français Jean-Pierre Ploué. On attendait donc impatiemment ce Lancia Design Day pour en savoir plus…
Lancia Design Day
L’événement était attendu. Enfin.. attendu par les fans de voitures italiennes. La presse. Et les passionnés d’automobile. Car les fans et clients de la marque? Il n’y en a plus tant que ça. Au point qu’il est difficile de citer un succès du constructeur sur ces trente dernières années. Dernier “souvenir” de Lancia? Le sabordage du début des années 2010, quand Marchionne a voulu construire une gamme en rebadgeant des modèles Chrysler… Avec l’insuccès qu’on connait. Et le destin presque funeste qu’on connait aussi.
Si la future gamme Lancia est encore floue, on sait tout de même que le premier des trois modèles destinés à relancer la marque arrivera en 2024 pour remplacer la citadine Ypsilon. Celle qui assure la survie de la marque depuis 2017 n’est plus toute jeune. L’actuelle génération date de 2011 et peine à cacher ses rides malgré trois restylages. Il n’en demeure pas moins qu’elle se vend correctement et que le modèle est largement amorti puisqu’il repose sur la base de la Fiat 500 de 2007 ! Surtout, la petite citadine bénéficie toujours d’une certaine popularité auprès de la clientèle féminine. On s’attendait donc à découvrir une esquisse ou un concept de cette future Lancia Ypsilon qui reposera sur la base CMP de la Peugeot 208. Mais… que nenni ! S’il y a bien eu un concept voulant montrer la voie du futur design Lancia, il s’agit d’un concept très… conceptuel !
Logo, sculpture…et c’est tout!
Lancia a choisi dévoiler de Lancia Pu+Ra Zero, une sculpture, un manifeste en trois dimensions qui inspirera les nouveaux modèles. Une œuvre d’art “où le passé et l’avenir sont en contact permanent, où l’élégance s’équilibre avec l’esprit radical des formes” dixit le communiqué. Une manière pour Lancia d’annoncer par une métaphore Lancia Pu+Ra Design, le nouveau langage Pur et Radical qui définira le constructeur pour les “100 prochaines années”. Vous avez dit too much? Il semblerait que la communication Stellantis soit désormais dans le storytelling à outrance… dommage elle nous laisse sur notre faim en n’en montrant pas beaucoup plus. Lancia a tout de même profité de ce Design Day pour présenter son nouveau logo, inspiré du logo de 1957, et un nouveau lettrage Lancia très italien et plutôt réussi. Et c’est… à peu près tout. Heureusement, les quelques films de reveal ne sont pas désagréables à regarder, particulièrement celui-ci, qui explique où la marque a puisé son inspiration.
Les raisons d’y croire
Lancia a eu ses heures de gloire, particulièrement dans le rallye automobile. Elle a aussi eu quelques modèles mythiques tels que les Lancia Delta, Aurelia ou Fulvia. Autrement dit, la marque bénéficie d’une histoire solide pour construire son avenir et résonne encore dans l’imaginaire collectif automobile. Un passé dont ne dispose pas l’une des autres marques premium du groupe Stellantis : DS Automobiles.
L’Ypsilon jouit aussi d’un vrai capital sympathie. En Italie bien sûr, mais aussi dans quelques autres grands pays européens où elle a rencontré un certain succès avant son retrait. Surtout, le marché des citadines chics et raffinées se fait rare. Grâce à Stellantis, Lancia va pouvoir piocher dans une vaste banque d’organes pour concevoir ses nouveaux modèles. Mieux, au sein du pôle premium avec Alfa Romeo et DS, elle va pouvoir mutualiser les coûts de développement des technologies nécessaires pour séduire la clientèle premium. L’électrification va aussi rabattre les cartes du marché automobile et Lancia, qui sera 100% électrique dès 2028, pourrait alors créer la surprise.
Les raisons d’en douter
Malgré toute la sympathie qu’on peut avoir pour la mignonne Ypsilon, elle n’a plus de premium que le terme des rares communications du constructeur. D’ailleurs, si ses ventes se maintiennent en Italie, c’est à coups de séries spéciales et autres rabais. Ainsi, cela fait bien longtemps qu’elle ne lutte plus dans la même cour que la MINI ou même de la Fiat 500e, bien plus raffinée. Et qui pourrait être sa plus directe concurrente. Lancia va donc devoir repartir de zéro ou presque pour imposer sa citadine comme une citadine premium. Sans compter les autres modèles qui suivront.
Pas facile non plus de réellement situer Lancia dans le porte-feuille premium de Stellantis. Impossible pour la marque de miser sur son passé sportif, territoire gardé d’Alfa Romeo. On a alors un peu du mal à voir ce qui va vraiment différencier Lancia de DS qui mise sur l’art du voyage, la technologie et l’élégance. Et ce n’est pas la nouvelle signature de marque de Lancia, “the new code of elegance”, qui va nous permettre d’y voir plus clair! D’ailleurs, dans le petit monde automobile, il se murmure de plus en plus qu’avec cette renaissance de Lancia, il ne pourrait rester à la fin de la décennie qu’une des deux marques. Autrement dit? Deux marques sur le même territoire… et à la fin, on garde celle qui fonctionne ! L’histoire aura souvent montré que cette stratégie peut aussi conduire… à deux échecs. D’autres diront que trois marques premium au sein d’un même groupe, cela commence aussi à faire beaucoup.
Pourquoi?
Si ceux qui suivent l’actualité automobile seront restés sur leur faim avec la présentation de ce jour, il n’en demeure pas moins qu’elle marque la première étape du renouveau d’un constructeur qui a compté dans l’histoire de l’automobile italienne. On reste toutefois surpris de cette séance de communication un peu lunaire et, on va le dire, sans grand intérêt. Attendre 6 mois de plus pour découvrir un showcar de la nouvelle Ypsilon dévoilant logo et positionnement de marque aurait sans doute été plus judicieux et marquant. On a vraiment vu mieux pour annoncer la renaissance d’une marque. A moins que les nouvelles équipes dédiées à Lancia aient juste eu besoin de montrer au Big Boss qu’elles travaillent…
Big Boss qui a privé la DS 3 d’une seconde génération alors même qu’elle avait su se faire une place parmi les citadines premium. La raison? Le manque de perpectives commerciales hors d’Europe pour une citadine premium. Pour finalement relancer une citadine (jadis) premium dans quelques pays européens dix ans plus tard. Vous connaissez l’expression… Rappelons que la DS 3 a été un vrai succès. De quoi se demander pourquoi les moyens alloués à cette nouvelle Ypsilon ne l’ont pas été pour faire renaître plus rapidement encore une nouvelle DS 3. Qui aurait disposé d’un vivier de clients plus récent, d’un réseau de distribution déjà existant – et donc des perspectives commerciales plus importantes. En bref : une nouvelle DS 3 pour un coût de développement limité et un succès presque assuré. Mais le coeur la finance a ses raisons que la raison ignore…
Pourquoi pas?
Mais finalement, Lancia pourrait s’avérer être un bon coup pour Stellantis ! Le groupe patauge un peu dans la mise en place de ses contrats d’agents, qui doivent en théorie être inaugurés par les marques premium DS et Alfa Romeo. Mais les distributeurs ne l’entendent pas de cette oreille. La relance de Lancia pourrait donc être un moyen de tester un mode de commercialisation en direct plus poussé sans prendre les foudres des réseaux! D’autant que si réseau Lancia il y aura, il va se constituer de 100 points de vente dans toute l’Europe. Autrement dit, seules les métropoles seront concernées. Des villes où le m2 ne permettra pas des cathédrales et où tester un mode de commercialisation phygital prendra alors tout son sens. Lancia à fond sur la vente en ligne? La marque vise 50% via ce canal.
Sachant que les “contre” sont, sur le papier, bien plus nombreux que les “pour”, on peut se demander ce que Stellantis va faire dans cette galère. A y regarder de plus près, la renaissance de Lancia ne va pas coûter cher. La marque va rhabiller des véhicules existants, reprendre des technologies déjà disponibles, et mutualiser au maximum les nouveaux développements – notamment électriques – avec DS et Alfa Romeo. Gestion y compris. Chose qui profitera aussi à ces deux marques, à la peine commercialement. Autrement dit : une renaissance à coûts maîtrisés. Qui ne coûtera à l’inverse pas très cher si jamais le succès n’est pas au rendez-vous. Un pari sur une potentielle rentabilité facile en quelque sorte. A suivre… en espérant de bonnes surprises.
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