La rumeur courait depuis plusieurs mois. L’information vient d’être officialisée : INFINITI, la marque premium de Nissan, se retire du marché européen. Elle quittera précisément nos contrées l’an prochain, après avoir été introduite en grandes pompes en 2008. Une vraie surprise? Pas tant que ça… . On en parle.
Des ambitions démesurées…
Lorsque INFINITI s’est implantée en Europe, la marque a eu d’étonnants parti-pris. Un réseau réduit de “centres” INFINITI pour assurer la vente et l’après-vente, l’obligeant à mettre en place des services haut de gamme coûteux tel un service de vallet pour réaliser votre entretien. Car personne ne fait plusieurs centaines de kilomètres pour faire sa révision… . Pas de communication traditionnelle et l’importation de modèles vendus aux USA, tels le gros SUV FX, certes très haut de gamme mais donc très chers… et peu adaptés aux goûts européens. C’est d’ailleurs comme ça que la marque comptait se distinguer et séduire une petite frange de la clientèle premium, lassée par les marques plus classiques. D’ailleurs, comme Claude Hugot nous le disait à l’époque, la marque s’était donnée cinq ans pour être rentable en Europe. Ambitieux…
… Puis un retour sur Terre…
INFINITI s’était fixé un objectif élevé : atteindre 40 000 ventes annuelles dès 2016. Or la marque n’aura jamais dépassé les 16000 unités malgré avoir revu, en cours de route, son business model européen. Finis les gros SUV gloutons et les grandes berlines motorisées uniquement en essence. La berline Q50 est arrivée pour concurrencer les BMW Série 3 et autre Audi A4, tandis que le partenariat de l’Alliance avec Mercedes a permis de concevoir la compacte Q30 et son dérivé surélevé QX30. Des modèles plus adaptés aux goûts européens.
Fini aussi le seul réseau de “centres” façon cathédrales et ouverture de concessions plus classiques avec un maillage un peu plus complet en s’appuyant sur des opérateurs pour la plupart déjà distributeurs de Nissan.
Enfin, INFINITI a dû se résoudre à plus communiquer afin de développer sa notoriété, proche de zéro. Des efforts donc, mais insuffisants?
N’est pas BMW qui veut!
INFINITI voulait s’imposer comme une alternative crédible aux constructeurs premium allemands, avec, pour cible principale, BMW. Mais n’est pas BMW qui veut et le plaisir de conduite n’est pas chose aisée. Certes, INFINITI a tenté des choix techniques originaux, comme l’absence de colonne de direction remplacée par une direction 100% électrique. Une tentative peu probante qui n’a pas convaincu les amateurs de conduite.
Par ailleurs, les quelques marques qui arrivent à prendre des clients au trio allemand sont déjà bien implantées – c’est le cas de Volvo – ou misent sur une forte différenciation. C’est ainsi que Lexus, après des années de figuration, a progressé fortement sur le Vieux Continent. Et ce grâce à des modèles adaptés aux goûts européens, mais aussi et surtout un argument fort : des motorisations hybrides. Quel argument “massue” avait INFINITI à opposer à la concurrence? Aucun…
Une gamme trop réduite…
Si les Q30 et QX30 ont, lors de leur commercialisation, rencontré un petit succès, ce dernier a été très éphémère. Basés sur l’ancienne Mercedes Classe A, ces modèles ont très vite vieilli. Surtout, ils ont été affichés à des tarifs bien trop ambitieux face à une concurrence mieux installée et plus connue. Quid du reste de la gamme? Une berline Q50 confidentielle et pas vraiment adaptée – même si elle a connu son petit succès auprès des VTC -, un coupé Q60 très réussi mais avant tout présent pour l’image – on ne fait pas de volume avec un tel véhicule – et surtout, l’absence de SUV face aux Audi Q3 et Q5 par exemple, des segments très porteurs…
Si un QX50 a bien été annoncé l’an passé, après avoir été présenté sous forme de concept, son arrivée a sans cesse été repoussée et il serait de toute façon arrivé avec une motorisation essence de 272 ch… cassant toute chance de succès!
INFINIquoi ? L’absence d’image…
INFINITI a fini par comprendre qu’il serait difficile de lutter avec le trio premium sans communication. La marque, après avoir fait le choix du tout web dès 2008, a finalement dû se résoudre à communiquer via des canaux plus traditionnels pour se faire connaître. Mais sans en avoir les moyens. Ou plutôt, sans que l’Alliance ne lui en donne les moyens. Qui sait aujourd’hui à quoi ressemble le logo INFINITI? Qui peut citer un modèle de la gamme? Qui se souvient avoir vu une pub? Pas la clientèle premium visée, et encore moins Madame et Monsieur Tout le Monde.
Et ce ne sont pas les quelques partenariats prestigieux – avec le guide Michelin par exemple – ou le fait de mettre le logo INFINITI sur des F1 qui allait être en mesure de combler le déficit de notoriété… Il aurait fallu des budgets marketing beaucoup plus conséquents. Ce que la marque n’a jamais eu.
L’absence de perspective à court terme…
Les contraintes des normes de pollution sont sans doute le dernier facteur qui aura eu raison d’INFINITI en Europe. Pas assez de volume pour rentabiliser les investissements de l’adaptation des modèles existants dans la gamme – y compris sur d’autres marchés – ou le développement de nouveaux produits spécifiques au Vieux Continent. INFINITI a bien annoncé vouloir proposer des véhicules électriques haut de gamme : mais là encore, des constructeurs mieux installés sont déjà dans la place – Tesla – ou arrivent avec de nombreux produits – Audi, Mercedes -, coupant toute chance à INFINITI d’émerger. Rien ne serait arrivé chez nous avant 2022, 2023… C’est trop tard.
L’avis : Un beau gâchis!
Au final, si le départ d’INFINITI ne constitue pas une réelle surprise, on peut s’étonner que l’Alliance Renault-Nissan, qui connaît bien notre marché, ne se soit pas plus tôt rendue compte des errances de sa stratégie. Comment vouloir imposer une marque inconnue de tous sans des produits adaptés et une communication massive pour espérer un peu de notoriété? Surtout, on peut s’étonner du peu de synergies qu’ INFINITI a développé avec les autres marques du même groupe. D’ailleurs, la marque elle-même en a conscience puisque dans sa feuille de route globale à cinq ans, elle annonce désormais vouloir renforcer les synergies – plate-formes, motorisations, réseau,…- avec Nissan. Etonnant de n’en avoir pris conscience que si tardivement…
Alors, y a t il une place en Europe pour du premium “différent”? Chacune à leur manière, les marques Volvo, Lexus, DS ou encore Tesla démontrent que oui. Si INFINITI assure désormais vouloir se concentrer sur des marchés plus porteurs que sont la Chine ou les Etats-Unis, la marque n’exclut toutefois pas un retour chez nous si sa gamme électrique à venir – dont le premier modèle est pré-figuré par le concept QX Inspiration ci-dessous – lui permettait d’envisager un business model rentable. INFINITI, qui a très tôt – trop tôt? – misé sur le web, observe, dit-on, avec grand intérêt Tesla ou la mise sur orbite de Polestar par Volvo. A suivre donc?
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