Il y a quelques semaines, AUTOMOTIVE MARKETING a pu rencontrer Arnaud RIBAULT, récemment nommé Directeur Marketing et Vente de la marque DS après avoir occupé pendant quatre ans la fonction de Directeur Général de DS au sein de la co-entreprise Changan PSA Automobiles en Chine. Entretien.
Automotive Marketing (AM) : DS s’émancipe désormais de Citroën comme on a pu le constater au dernier Mondial de l’auto de Paris. Concrètement, comment cela se matérialise-t-il? E comment vivez-vous cela vous qui en avez construit les prémices en Chine?
Arnauld Ribault (AR) : D’abord lancée comme la ligne premium de Citroën en 2010, DS est devenue une marque à part entière dès 2012 en Chine et on constaté, 4 ans après, qu’on avait vendu 500 000 DS à 500 000 clients dont 60% n’étaient pas, auparavant, clients des marques du groupe. On voit ainsi l’opportunité exceptionnelle que représente DS : l’offre est crédible et on comprend avec l’expérience chinoise que créer une marque avec une expérience client unique DS a du sens. Par ailleurs, on crée une nouvelle marque qui s’appuie sur un héritage de 60 ans. Et cet héritage, nous le conservons dans l’ADN de toutes nos voitures. On conçoit nos DS dans l’esprit “Innovation & Distinction” qui était l’esprit de la DS de 1955. Fort de ces premiers succès, Carlos Tavarès a décidé que le groupe PSA avait maintenant trois marques : DS en est la marque premium avec un positionnement premium, des produits premium et une rentabilité qui doit être celle d’une marque premium et ainsi contribuer à donner des ressources au groupe PSA pour continuer son développement.
AM : Peut-on faire du premium “à la française” sur un marché ultra-dominé par les constructeurs allemands?
AR : C’est ce que l’on est en train de construire. Cela a pris pour d’autres marques vingt ans de devenir des marques premium. On s’inscrit également dans l’installation sur le long terme. Mais, quand on analyse le marché mondial du premium, on constate qu’il y a une place pour DS. Les concurrents allemands ont défini des codes qui finalement se sont imposés à tout le marché mais qui sont en fait les leurs. Nous, nous proposons les codes du premium selon DS, ce que l’on appelle en Chine “Innovative Spirit from Paris” qui est donc un positionnement radicalement différent du positionnement allemand et qui s’adresse à une nouvelle génération de clients premium. Des gens plutôt jeunes qui sont très tendance, qui recherchent un produit unique et qui souhaitent affirmer leurs goûts. On les appelle chez DS la “T Generation“. T pour “Touch, Technology and Test“. Cette génération, en Chine, ce sont des gens qui ont entre 25 et 35 ans, qui achètent des voitures et qui recherchent de nouveaux territoires pour s’exprimer. C’est la génération “Modern Business Elite” dont l’esprit est “Work hard. Play hard“. Une génération qui a aussi besoin de reconnaissance et doit, pour cela, exprimer ses goûts, ses choix. La société européenne connait le même développement de génération mais c’est un peu moins rapide chez nous. DS s’inscrit dans le luxe parisien, mélange d’avant-gardisme et d’héritage, de raffinement, de technologie et d’un remarquable design.
AM : Et comment fait-on pour s’imposer sur ce marché très concurrentiel et développer rapidement sa notoriété?
AR : Il faut bien entendu respecter certains codes du premium : la qualité, le rendu, la fiabilité et avoir un héritage. Ce sont des codes nécessaires. Il faut y ajouter ce qui fait la différence : le côté unique que nous exprimons par des concepts originaux comme DS 5 ou DS 4 et par l’aspect raffinement comme les sièges bracelets de nos véhicules qui font référence aux grandes marques de luxe françaises qui sont réputées pour leur raffinement, leur savoir-faire et, en même temps, leur innovation. Si vous regardez bien, nos amis du luxe sont en permanente innovation. Yves Saint Laurent était un révolutionnaire. Cela va bien avec l’image de DS.
AM : D’où la mise en avant régulière de la nationalité française de DS?
AR : Les clients chinois adorent ça. Nous travaillons d’ailleurs avec des icônes françaises telles que Inès de la Fressange qui incarne LA parisienne et Sophie Marceau car elle est vue comme une déesse. Elle est la célébrité française la plus connue et en plus celle qui a l’image la plus proche de la nôtre. C’est vraiment une personnalité française “haut de gamme” mais pas show-off. J’étais avec elle récemment pour le lancement de DS 6, c’est un immense plaisir de l’avoir à nos côtés et c’est en plus une vraie passionnée d’automobile!
AM : Vous dites que DS n’est pas une marque show-off. La marque est pourtant critiquée sur ces appellations marketing pompeuses (Chic, Ultra Prestige, Faubourg Addict,..) ou sur son design jugé parfois comme caricatural. C’est assumé, volontaire?
AR : Ce sont des clins d’oeil. On avait bien la DS “Palace” à l’époque. Récemment, on a pu être critiqué sur l’intérieur de Divine DS. Mais les critiques, ça me plait assez. Quand on fait un concept, on cherche à choquer. DS, ça doit choquer un peu. Divine DS est un concept car qui n’annonce aucun futur véhicule de série. Il s’agit d’un manifeste de la marque et en cela, qu’il surprenne, étonne voire choque, cela correspond bien à notre marque. Quand la DS a été dévoilée en 1955 au Salon de l’Automobile, c’était un ovni, la seule voiture qui ressemblait à une fusée.. Elle a choqué mais en même temps, 12 000 exemplaires ont été vendus en un jour!
AM : En installant DS comme une marque à part entière, n’avez-vous pas l’impression de déposséder Citroën de son passé?
AR : La DS de 1955 est une Citroën et elle le restera toujours. Mais vous remarquerez qu’elle avait juste des chevrons dorés à l’arrière. Elle affichait une sorte de raffinement remarquable et un peu à part entière dans la gamme de l’époque. On ne dépossède pas Citroën de son héritage avec DS mais on s’appuie sur cet héritage pour créer une nouvelle marque. En Europe par exemple, on s’appuie sur le réseau Citroën pour commercialiser nos modèles. En Chine, au début, toutes nos communications étaient signées d’un gros logo DS et d’un plus petit Citroën. Car ici comme là-bas, on a besoin de la marque mère pour lancer la marque fille. Plus personnellement, je reste très attaché à la marque Citroën : j’y suis entré en 1995, j’ai toujours travaillé pour cette marque et je possède même une DS 23 de 1974. Aujourd’hui, on s’émancipe de Citroën mais on ne dépossède pas cette marque qui fait partie de l’héritage de DS.
AM : Lors de notre interview de Stephen Norman (NDLR : Directeur métier Marketing de PSA), nous avons discuté de la nécessité d’avoir ou non des équipes distinctes de Citroën pour DS. Envisagez-vous des équipes 100% dédiées DS ou pensez-vous que les équipes Citroën peuvent travailler pour les deux marques alors même qu’elles ont des positionnements presque opposés? Envisagez-vous d’aller chercher des talents hors monde automobile pour cette nouvelle marque comme l’ont fait INFINITI ou Lexus par exemple?
AR : Merci de me poser cette question qui me touche directement. Pour vous répondre, je vais commencer par vous donner un exemple de ce qu’on a fait en Chine. Quand nous avons lancé DS là-bas, il n’y avait rien. Nous étions 10 personnes pour lancer ce projet, on créait alors une nouvelle équipe, c’était donc plus simple de recruter. On a fait rentrer des gens venant de constructeurs premium mais aussi d’autres univers. Moi même, je me suis beaucoup impliqué sur le benchmark du premium automobile afin d’en comprendre les codes mais aussi ceux des marques de luxe françaises. Pour tout vous dire, à Shanghai, j’étais membre du club Luxe de la Chambre de Commerce et ce club se réunissait tous les deux mois pour échanger sur des profils clients, des expériences retail,… et on a beaucoup pris dans la création de nos DS Store de ces expériences. Si vous visitez un DS Store, vous verrez qu’on a introduit des codes différents de ceux de l’automobile.
Ce qu’on fait maintenant ici est qu’on travaille avec des petites équipes. On est une start-up au sein du grand groupe PSA. On s’appuie sur les métiers et compétences de PSA car on ne veut surtout pas dupliquer les équipes Citroën chez DS. On souhaite pour le moment rester petit afin de garder toute notre agilité et on a donné priorité aux talents du groupe qui sont motivés mais on recrute aussi des étrangers dans nos équipes, anglais et chinois principalement. Ensuite, au quotidien, on collabore plus par benchmarks et rencontres avec des gens d’autres métiers du luxe que d’employer directement dans nos équipes marketing des gens qui viendraient d’autres marques, autos ou non. Donc c’est un peu différent des exemples que vous avez cités.
Un grand merci à Arnaud Ribault pour cet entretien et aux équipes DS pour l’organisation.
Interview interessante. PLus de question la prochaine fois 🙂
Merci Maxime 😉
J’aurai aim