En 2018, le Mondial de l’Auto de Paris fête ses 120 ans. Le plus ancien des salons automobiles du Monde fait sa révolution pour conserver sa place de leader mais aussi répondre aux nouvelles attentes des exposants comme des visiteurs. On en parle avec Jean-Claude GIROT, Commissaire Général du Mondial de l’auto. Entretien.
AUTOMOTIVE MARKETING (AM) : De nombreux constructeurs, parmi lesquels des acteurs majeurs, ont décidé de ne plus prendre part au Mondial de l’Auto de Paris. Quelles sont selon vous les raisons de ces désaffections ?
Jean-Claude GIROT (JCG) : Tout d’abord, précisons que ce n’est pas que le Mondial de l’auto qui est touché par ce phénomène, mais l’ensemble des salons. Certains constructeurs pensent que la digitalisation ou d’autres événements peuvent remplacer les salons. Mais le Mondial de l’auto de Paris reste un incontournable en accueillant plus d’un million de visiteurs et 10 000 journalistes du monde entier. Quel autre événement peut réunir cela ?
Selon moi, les exposants qui boycottent un salon ignorent leur clientèle et leur réseau français, et c’est dommage.
AM : Certains constructeurs interrogés indiquent qu’ils sont freinés par les coûts, d’autres par la durée, d’autres l’espace d’exposition inadapté du Salon… Des aménagements ont-ils été effectués pour essayer de répondre à ces demandes ?
JCG : Administrateur depuis 2009, j’ai une bonne connaissance du Mondial de l’auto et toujours eu de nombreux échanges avec les exposants. J’avais dès lors une idée très précise des évolutions et lorsqu’en 2016 j’ai eu l’honneur de prendre la Direction du salon, je leur ai dit « Nous allons préparer ensemble votre salon 2018 ». J’ai donc mis en place, avec mes équipes et les équipes des exposants, des groupes de travail sur la digitalisation, le contenu, la forme et l’organisation de cette édition. Il en est sorti de nombreuses optimisations en décidant par exemple de réduire à la durée à 11 jours ou le prix du mètre carré. Ce sont de vrais efforts pour nous car cela a un impact et des enjeux directs sur la rentabilité de l’événement. Nous avons aussi décidé de créer de nombreuses nouveautés avec des événements dans l’événement ! Outre les nouveautés produits, les nouveaux exposants, on peut dire que jamais il n’y aura eu autant de choses inédites et innovantes au Mondial de l’Auto! Et ce afin de le faire demeurer un incontournable à l’heure où, entre la presse et les réseaux sociaux, tout cela va nous faire des images qui vont partir dans le monde entier et lui donner une visibilité encore meilleure, au bénéfice des exposants présents.
AM : Il y aura d’ailleurs aussi de nombreux nouveaux exposants durant le salon. Quelques mots sur ce point précis ?
JCG : Oui, de nouveaux constructeurs, notamment asiatiques, exposeront pour la première fois au salon et je me réjouis de les accueillir. Cela signifie qu’ils considèrent que Paris est un salon incontournable. Nous avons aussi des marques de luxe qui ont fait le choix de revenir ou qui ne venaient pas jusqu’alors dans des salons grand public. Elles ont choisi Paris car elles estiment que nous offrons un vrai ROI (retour sur investissement) avec la présence de nombreux VIP et d’une clientèle potentielle.
AM : Les nouveautés sont très nombreuses pour cette édition. Pouvez-vous nous en dire plus ?
JCG : D’une part, il est primordial pour nous de fêter les 120 ans du salon. D’où l’idée de la parade Place de la Concorde qui a eu lieu le 30 septembre et ensuite de pérenniser le lieu comme un QG « nouvelles énergies » avec le Centre d’Essais des véhicules hybrides, électriques, hydrogène ou au GNV, ce qui est une réponse aux enjeux de mobilité dans les centres urbains.
JCG : Nous avons aussi voulu créer des événements dans l’événement et j’ai décidé dès 2016 que le Mondial de la Moto aurait lieu en 2018 à la Porte de Versailles en même temps que le Mondial de l’Auto et avec le même billet pour les visiteurs. Je me réjouis du retour de la moto qui va permettre aussi de mettre en lumière ce moyen de transport en renforçant sa visibilité auprès des médias comme des pouvoirs publics. Toutes les mobilités auront leur place au salon avec un focus également sur le vélo électrique. Nous lançons aussi des initiatives fortes telles que « Mondial Women » qui est un vrai engagement de notre part à promouvoir le rôle des femmes dans la filière automobile et « Mondial Tech » qui est le nouvel événement BtoB du salon dédié aux solutions innovantes et la mobilité de demain avec un programme de conférences et de rencontres entre professionnels. Nous saluerons aussi le travail de start-up innovantes puisque nous révélerons le 5 octobre le grand vainqueur du concours de start-up que nous avons organisé et auquel près de 470 start-up de 53 pays différents se sont inscrites, 64 ont été sélectionnées au final. Sur ce point, citons également la présence de nos partenaires du CES de Las Vegas qui organise durant le Salon un forum de l’innovation regroupant 80 exposants. Enfin, le Salon fera aussi la part belle à la passion automobile et à l’histoire au travers d’une exposition totalement inédite « Routes Mythiques » qui rappellera forcément aux visiteurs des moments de vie… il ne peut en être autrement quand on parle de « Route 66 » ou de « Nationale 7 » … et des véhicules qu’on y associe.
AM : Le contexte économique et social est-il aussi un facteur de cette désaffection (mairie de Paris et l’auto, taxation,…) ? D’ailleurs, ressentez-vous un intérêt moindre des français pour l’automobile ?
JCG : Je ne pense pas que l’intérêt des Français, et du Monde entier d’ailleurs, pour l’automobile diminue, au contraire. Ce n’est d’ailleurs pas ce que disent les dernières études ou enquêtes (KANTAR, CSA et autres). Bien entendu, il y a le contexte de grandes métropoles comme Paris où l’usage de la voiture change. Nous y répondons d’ailleurs avec le Mondial et les enjeux de mobilité. A part cela, la dernière édition l’a démontré et, nos exposants sont confiants vu la dynamique du marché, les prises de commande sur le salon explosent et les clients achètent toujours des voitures. D’ origine familiale du Lot et Garonne, je peux aussi vous dire que dans de nombreuses régions de France, il faut, pour sortir ou même simplement travailler, avoir une voiture. Il ne faut pas voir l’automobile qu’à travers les grands centres urbains.
Mais il faut inclure la mobilité dans la réflexion. Ainsi, pour nos visiteurs, j’axe ma communication sur les moyens et les recommandations de venir au salon en transport en commun. Je préfère que les gens passent une heure et demi de plus dans le salon que dans les embouteillages. Nous aurons d’ailleurs l’honneur de recevoir Madame la Maire de Paris, Anne Hidalgo, à l’inauguration du Centre d’essais et durant le salon. Elle constatera elle-même l’engouement des français et des parisiens pour les voitures propres. Il y aura beaucoup de nouveautés à ce sujet au salon. Enfin, n’oublions pas que l’automobile, et notamment la R&D, est un élément clé pour l’économie française et l’emploi.
Partout où je suis intervenu pour promouvoir le Mondial de l’auto, en France mais aussi à l’étranger comme à Détroit, New Dehli, Pékin ou encore Tokyo, l’automobile et le Mondial conservent un véritable engouement.
AM : Vous avez lancé une vaste campagne de communication sur ce « nouveau » Mondial de l’Auto, très tôt dans l’année. Une campagne plus « premium », avec plus de contenus, et notamment beaucoup plus de digital. Et diffuser de l’information beaucoup plus régulière sur les nouveautés etc. On a senti une vraie « réinvention » de la communication autour de l’événement. C’était une nécessité ? Il fallait dépoussiérer le Mondial ?
JCG : C’est l’année 1 du renouveau du salon. Il nous faut donc le faire savoir. Très tôt aussi avec les équipes nous avons compris la nécessité de la digitalisation, qui ne vient pas en remplacement mais en complément, dans notre dispositif global, et qui nous permet d’innover. Nous avons aussi voulu donner une image remarquable du Salon de Paris mais aussi de la ville de Paris : le salon ne serait pas le même s’il était ailleurs. Nous avons voulu, au travers d’une communication mêlant sobriété et clips décalés dynamiser le Mondial tout en donnant toujours une place importante à l’émotion et la passion, en y ajoutant la technologie. Au travers de nos campagnes de communication, chacun peut se voir, s’imaginer au volant ou au guidon de l’objet roulant de ces rêves.
AM : Quelles sont vos ambitions pour ce Mondial 2018 ?
JCG : Paris reste le 1er salon automobile du monde et je souhaite qu’il conserve toutes ses lettres de noblesse. Il a été le premier salon du monde il y a 120 ans, Paris et sa région ont vu la naissance de l’automobile. La voiture se réinvente, son usage change, les formes et les motorisations évoluent. Aujourd’hui, on peut presque dire que les constructeurs et les équipementiers reviennent à leur rôle de pionniers avec toute cette modernité qui nécessite de s’adapter, d’innover.
Bien entendu, nous avons des objectifs de visiteurs et la barre du million que j’aimerais franchir malgré la durée plus réduite, car nous avons de nombreux nouveaux événements capables de séduire de nouveaux publics. Mais l’important c’est que le salon rayonne et qu’il soit vu ou vécu par un maximum de personnes dans le monde afin que tous les exposants aient une belle visibilité.
AM : Enfin, question plus personnelle… vous direz que, pour vous, le Mondial 2018 est une réussite si….
JCG : Si les exposants, quels qu’ils soient (auto, moto, mobilité…) me disent que ca a été fantastique et qu’ils sont satisfaits de leur présence, ce sera ma principale récompense du travail accompli. J’ai été sportif de haut niveau et forcément j’ai l’esprit de compétition. Je souhaite donc et je travaille dur avec les équipes, à ce que tout soit réussi… On fait tout pour être sur la première marche du podium des Salons. Mais c’est comme en sport : le résultat final, ce sera le 14 octobre au soir. C’est à ce moment-là que nous saurons si nous savons gagné et que nous saurons ce qu’il faut modifier et innover pour être encore plus performants en 2020 !
Un grand merci à Jean-Claude GIROT pour cet entretien ainsi qu’à Laure De Verdun et Jean-Briac Dalibard pour son organisation.
Documents et Iconographie : Via AMC Promotion. Tous DR.
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